C'était la veille de Noël et Enola avait six ans tout juste. En compagnie de sa mère, elle arpentait la cuisine en quête du chocolat pour faire les truffes du dessert. C'était une tradition dans la famille des Fawkes, on préparait les gâteaux de noël en famille. La petite essaya d'attraper la plaquette de chocolat se trouvant sur un meuble un peu haut que son front. Elle sautilla, tentant de s'appuyer sur le bord, mais elle tomba sur ses fesses. Elle n'eut aucun mal à se remettre sur pieds, se dirigea vers sa mère et tira un peu sur la robe de cette dernière. La femme se retourna pour regarder sa fille avec un grand sourire. «Maman, le chocolat est là-bas. » Clama t-elle en pointant le meuble. Sa mère hocha la tête et commença à préparer la pâte. Enola tapa dans ses mains, les yeux brillants, émerveillée devant ce que faisait sa mère. Elle se contentait de vraiment peu et était heureuse des petites choses au quotidien. Sa mère lui avait appris à ne pas en demander trop à la vie. «Plus tard, je serais comme toi, maman, je ferais des gâteaux. » Dit-elle, alors que sa mère éclatait de rire devant son enthousiasme. «Et je sais que tu y arriveras ma chérie. »

«Enola, non, ne fais pas...ça !  »C'était trop tard, la petite avait grimpé sur le fauteuil afin d'attraper le chat qui était perchée sur le haut d'une armoire. Peut être un peu brusque, le chat réagit au quart de tour et griffa l'enfant qui n'avait pourtant aucune arrière pensée. Elle glissa sous le choc et retomba par chance sur le canapé. Elle pleura des larmes de crocodile. Le chat de sa grand-mère lui avait griffé le visage et pour une enfant de dix ans, ça faisait mal. Sa grand-mère s'approcha d'elle au bord de la panique. Elle s'assura que sa petite fille allait bien et lui caressa les cheveux. « Quand vas-tu apprendre à obéir ?   » Rit-elle doucement en lui prenant la main. Elle suivit la vieille femme qui l'installa sur une chaise haute, elle soigna doucement les éraflures tandis que Enola avait une idée en tête. Et pas une idée des plus roses, elle allait poser une question. « Mamie ? » Elle avait bien fait attention à utiliser son ton doux et candide. Elle savait qu'elle allait poser une question relativement délicate et tout ça de bout en blanc. « Pourquoi papa nous a abandonné maman et moi ? On a fait quelque chose de mal ? » La seconde question parut totalement stupide aux yeux de la vieille femme. Après tout, si celui qui aurait du être son gendre n'était rien d'autre qu'un lâche, sa fille et sa petite fille n'y étaient absolument pour rien. « Vous n'avez rien de mal, ma puce, vous êtes exceptionnelles, tu le sais ça ? Ton père n'a jamais été quelqu'un de très futé et de toute évidence, il ne vous méritait pas.   »
 

Enola fermait la pâtisserie dans laquelle elle travaillait. Sa journée était enfin terminée, elle allait pouvoir rejoindre sa grand-mère malade. Quand elle eut fini, elle se prépara à partir, serrant son écharpe autour de son cou, lorsqu'un homme vint l'accoster. « Ne me dites pas que Abigail est déjà partie. » C'était le prénom d'une des vendeuses. La jeune femme se mordilla la lèvre inférieure, l'air désolé. « Vous croyez qu'elle est loin ? » Insista l'homme. Enola regarda autour d'elle, la voiture de sa collègue n'était pas là. « Je suis vraiment désolée, mais ça fait presque une heure qu'elle est rentrée chez elle. Revenez demain, elle sera là.  » Elle ne se doutait pas que cet homme étrange était en réalité le frère de sa collègue et qu'il avait une idée derrière la tête. Si Abigail avait pensé que son frère reviendrait, elle aurait mis en garde son amie depuis longtemps déjà. Car voyez-vous, cet homme au regard électrisant avait toujours des dettes, des problèmes de jeux et pour les remboursait, il prenait un malin plaisir à manipuler une douce jeune femme pour récupérer de l'argent s'il le pouvait. Oui, voilà un drôle d'oiseau qu'elle venait de rencontrer. « Vous êtes son amie, c'est ça ? Je ne vois pas pourquoi, je vous pose la question, Abi est une fille très sociable qui sait toujours se faire des amis, même dans les moments les plus sombres. » Si elle savait sur qui elle était tombée, voilà longtemps qu'elle aurait pris la fuite, mais Enola n'était pas méfiante et avait la fâcheuse tendance de voir le bien partout. « Vous êtes quelqu'un de sa famille, c'est ça ? »Demanda t-elle alors qu'il hochait déjà la tête. Je la préviendrai dés ce soir que vous êtes passés.» Quelle grossière erreur...